Est-ce que les individus peuvent s’éloigner de l’État et des lois et limites qu’il impose ? C’est une question intéressante et pertinente, étant donné la croissance du mouvement des «Freeman on the Land» ou «Freemen» (Citoyens souverains).
Certains proposent l’existence d’un contrat social qui s’imposerait aux individus dès la naissance — et ils n’hésitent pas à appliquer ce contrat à ceux et celles qui n’ont jamais donné leur accord. Cependant, ce contrat social suppose deux erreurs : 1) que le contrat est nécessaire pour une vie civilisée dans une communauté et 2) que l’individu a le choix de consentir ou non au contrat.
Donc, qu’est-ce qu’ils croient ces «Freemen», et comment réagissent-ils contre à un État massif et exhaustif ?
Selon le site web d’une association de Freemen, « Cette association aidera les gens à devenir des êtres humains libres sur la terre et fournira un système de recours de Common Law, de communication et d’appui au réseautage social, de sorte que vous puissiez vivre en paix et abondance. Ces systèmes ne sont pas de nature juridique, mais plutôt de nature juste, ayant pour but de laisser les êtres humains vivre sous des définitions justes au lieu de définitions juridiques, ce qui distingue une personne d’un Freeman et d’un être humain. Un Freeman est un être humain qui vit dans une juridiction de Common Law sous Dieu, une personne qui a révoqué son consentement à être gouvernée par les lois d’origine humaine. »
Ici, l’expression « Common Law » est mieux substituée par «Droit naturel », ce qui invoque des droits que l’être humain acquiert par sa seule existence. Cela s’oppose aux lois et réglementations écrites par les politiciens et les fonctionnaires.
En appliquant cette perspective, les Freemen ne paient plus de taxes, et surtout pas d’impôt sur le revenu. Ils n’utilisent plus les pièces d’identité demandées par l’État, que ce soient les plaques d’immatriculation de véhicule, les permis de conduire ou les certificats de naissance. De plus, les Freemen n’obéissent pas aux réglementations sur les armes à feu, invoquant le droit à la légitime défense. Ils abandonnent leurs noms d’état civil, préférant plutôt des alternatives du genre «Untel de telle famille». Afin de justifier leurs prétentions voulant que l’État et ses lois soient illégitimes, les Freemen se servent souvent du langage juridique.
Afin de mieux comprendre ce mouvement, en voici une explication offerte par Robert Menard, directeur de World Freeman Society, dans une entrevue accordée au Morning Show de Global News (en anglais).
Évidemment, ce mouvement qui essaie d’invalider l’existence du gouvernement central ne plaît pas aux autorités canadiennes. Les Freemen n’arrivent pas à reconnaître l’autorité morale de l’État, donc ils sont naturellement considérés comme « un danger pour la sécurité et la sûreté ». Mais pour la sûreté de qui justement ? De l’État ?
Certains d’entre eux ont déjà provoqué des confrontations avec les autorités, mais on peut facilement dire la même chose quant à n’importe quel groupe qui s’oppose au gouvernement. Les actions d’un seul individu devraient-elles condamner toute une philosophie, tout un groupe ?
Des noms dégradants sont souvent utilisés par l’Establishment à l’égard des mouvements réclamant des libertés fondamentales, comme ce fut le cas des «patriotes» et «loyalistes» pendant la Révolution américaine. Or, ces mouvements ne sont pas plus « dangereux » du seul fait qu’on leur applique une étiquette.
En plus des menaces provenant des autorités étatiques, telles les arrestations, les citations à comparaître et les alertes générales ci-haut mentionnées, le Service canadien du renseignement de sécurité, dans sa plus récente mise à jour semestrielle qui porte sur les menaces terroristes et extrémistes, a lancé une campagne de diffamation pour discréditer les Freemen. Il est difficile de savoir s’il s’agit de la vérité ou de mensonges, mais une chose demeure certaine : les chantres de l’État sont prêts à tout afin de légitimer l’existence de celui-ci.
Si assez d’individus cessent de croire en une idée comme l’État, l’institution ne pourra plus fonctionner. Le nombre de Freemen au Canada est estimé être aux alentours de 30 000. Ce chiffre paraît maigre par rapport à la population du Canada, qui tourne autour de 35 millions, mais c’est quand même assez important pour que le mouvement soit remarqué.
Est-ce que ces individus ont raison ? Une personne est-elle obligée de reconnaître l’autorité d’un gouvernement qu’elle juge illégitime ? L’argument au contraire serait que les insatisfaits de l’ordre actuel n’ont qu’à aller ailleurs, mais le fardeau de la preuve pèse quand même très lourd sur l’individu insatisfait, et souvent de manière oppressive et violente. On pourrait donc facilement arguer que ce rapport de force, qui favorise l’État canadien, est immoral et illégitime.
Malgré la manière de laquelle les Freemen arrivent à leurs conclusions, souvent jugées bizarres ou même incomplètes, cela ne les invalide pas pour autant. Au contraire, il s’agit tout simplement de les raffiner.